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Mon Processus Créatif : Quand un Défaut Devient une Signature

Eclaboussures peinture flaneel


Le Jour où Tout a Basculé


Ça a commencé comme ça : une séance de peinture qui commence plutôt bien. Je sais quel portrait je vais peindre, et je me suis préparée mentalement. C'est un rituel que je pratique avant chaque nouvelle toile. J'imagine ma toile, je note mes idées : une femme rousse de profil, plutôt rêveuse, glamour, mystérieuse.

Je trouve un modèle qui m'inspire et qui pourra me servir d'image de référence. Même si le modèle n'est pas rousse, ça n'a aucune importance. J'ai l'habitude de changer les couleurs, les fonds, etc.

Ce matin-là, je décide de peindre, non pas un portrait comme à mon habitude, mais deux portraits de femmes sur la même toile. Je choisis des tons très clairs et les visages plutôt de profil.

Mon dessin terminé, je pose sur la toile ma première couche, que je veux plutôt transparente. Pour le moment, tout est ok.

Jusqu'à ce que j'arrive au milieu de ma seconde couche de couleur.



Le Crochenouille


Quoi ?? Un accroc ??? Un putain d'accroc sur mes couleurs bien lisses !!!

Bon, on souffle. Pas d'affolement.

Sur le coup, je me dis : pas de souci, c'est un bout de peinture sèche qui devait être sur ma brosse, ça arrive quelquefois lorsqu'on utilise une texture qui a pu rester sur la palette quelques jours.

Sauf que non.

En y regardant de plus près, ce n'est pas cela. Ce « crochenouille » — je sais pas comment l'appeler autrement — ne part ni avec le bout de ma brosse (côté poils ou côté manche d'ailleurs), ni avec mon ongle... ben, côté ongle seulement.

Bon, je veux bien qu'il faut être calme pour créer, mais là, je veux bien être gentille, douce, glamour, tendre et toutes ces conneries, mais je commence à « avoir les frelons » et à sérieusement sentir l'agacement qui grimpe doucement mais avec vigueur.

Alors, je vais me saisir d'un cutter, et me prend l'envie d'imiter Lucio Fontana et de couper dans la toile pour faire disparaître ce « crochenouille » intrus.

Mais non, de toute manière Lucio a déjà inventé « le coup de cutter dans la toile », voire même les deux, et trois, et jusqu'à six coups de cutter. Donc c'est plutôt un cutter de précision que je saisis — vous savez, celui qu'on utilise avec délicatesse pour ces petites créations de papiers très minutieuses.

Bon, je gratte. Doucement. Je gratte un peu plus fort et... rien n'y fait.

Et c'est à ce moment que je comprends qu'il ne s'agit nullement d'un bout de peinture sèche, mais, ô malheur, d'un « défaut » du revêtement de la toile que je n'avais pas vu lors de l'application de la première couche.

Bon ben, ça craint, non ?

Je vous avoue que dans le silence de l'atelier, c'est un sonore « BORDEL » qui est sorti de mes lèvres.



L'Effet Tunnel (ou Quand On S'Enfonce)


Bon allez, on respire encore et vu le prix de la toile, il va bien falloir que je puisse l'utiliser au mieux.

Et bien, et pourquoi pas prendre un grand cutter (Lucio, si tu me regardais à ce moment-là, tu devais bien te marrer !!) et je vais « limer » cette imperfection avec soin, délicatesse, etc. Enfin, tous ces sentiments de douceur qui m'avaient grandement déserté à ce moment-là !!

Hum... après réflexion, c'était une idée on ne peut plus idiote mais, bon, vous connaissez « l'effet tunnel » ? Ben, j'étais dans cette émotion-là.

Je gratte, je gratte et je comprends bien que si je gratte encore, je vais percer la toile et c'est pas ce qui fera éteindre le volcan de mes émotions !!!

Du coup, je laisse tomber le cutter et je me rappelle... La pause de recul... celle que l'on fait pour observer sa toile dans son ensemble.

Donc je fais cette pause, en regardant une toile non peinte, mais avec un défaut qui me mangeait la vue. Bon, ça ressemblait quand même grandement à un sauvetage raté, un désastre, et n'ayons pas peur des mots, c'était une PUTAIN DE CATASTROPHE !!! Car maintenant je ne voyais que ça sur la toile et c'est certain que tout le monde ne verrait que ça !!

À force de gratter surtout avec mes ongles, ben et c'est logique, la peinture était sur mon ongle (pour être anatomiquement précise, sur l'ongle de mon index droit !) et plus sur la toile.



Le Chaos Mental


Bon, dans ma tête, c'est le bordel, ça se bouscule. Il faut pourtant que j'y arrive.

Donc, on va passer en revue des options : peinture plus épaisse ? Traiter différemment les portraits ?

Bon, allez, on souffle et on reprend la brosse. Je recouvre l'endroit maudit avec une plus grosse couche de peinture, mais ça ne me plaît pas du tout. C'est moche, c'est tout sauf de l'art, c'est de la peinture de façade de maison et je suis pas une façadière (je sais même pas si c'est français, ce mot-là !).

Allez, soyons claire, c'est une catastrophe, catastrophique !!

Et je fais ce qu'il ne faut surtout jamais faire : insister alors que l'on est clairement pas dans l'énergie créative.

Bon, je « ramasse » cette peinture avec un couteau à peindre, et j'essuie la toile avec un chiffon.

Et je regarde mes mains. C'est un grand n'importe quoi, j'ai de la peinture jusque sous les ongles.



La Révélation dans l'Évier


Bon ben, direction l'évier de l'atelier.

Je me lave les mains et j'insiste sous les ongles avec ma petite brosse à ongles et, au moment de la nettoyer, comme je le fais toujours, je la savonne dans l'évier. Afin de faire partir l'eau des poils de la brosse, je la frictionne avec mon pouce et là, sur la faïence blanche de l'évier, une constellation de gouttelettes.

Devant cette projection, me vient l'idée — je dirais même cette drôle d'idée :

Et si j'éclaboussais le défaut de la toile avec des gouttes afin de le faire « disparaître » ? Le recouvrir entièrement !

Et pourquoi pas ? De toute manière, au point où j'en étais, je ne risquais plus grand-chose.

Je passe à l'action. Mais avant, je « répare » quand même les traces effacées sur ma toile, et une fois cela réalisé, je prends une brosse plate en poils de porc, plutôt rigide, je la « charge » de peinture et j'éclabousse à plusieurs reprises l'accroc, l'intrus, le crochenouille.

Bon, les éclaboussures sont grossières, c'est quand même pas terrible, mais l'accroc a diminué. Il n'a pas disparu mais il est très fortement atténué et du coup beaucoup moins visible.

Et les gouttelettes donnaient — car j'en mettais de plus en plus sur la toile — un effet très intéressant.

Un rendu sensible et profond.



La Technique Est Née


J'ai creusé et perfectionné cette technique, mois après mois.

Plus je travaillais cette toile, plus j'étais obsédée par les œuvres du Studio Harcourt. J'ai toujours aimé leur façon de saisir l'intemporalité de leurs modèles. Ces stars françaises et américaines des années 30. Ce glamour, cette douceur dans la dureté du contraste. Cette élégance intemporelle.

Je retrouvais un peu de cette atmosphère dans ma nouvelle toile.

Et c'est cette toile — « Libertine » — qui a attiré l'œil d'un galeriste de renom, Jean-Luc Juhel d'Auteuil, peintre exceptionnel et dessinateur de talent. Il a vu mes œuvres. Vraiment vu. Pas juste regardé — vu. Il a compris ce que je tentais de dire avec mes gouttelettes et mes femmes suspendues entre deux mondes.

Et il m'a ouvert la porte des ventes aux enchères, notamment chez Drouot.



Drouot : La Confirmation


Drouot. Ce temple parisien de l'art, où transitent les œuvres des maîtres et des contemporains.

Quand « Libertine » a quitté l'atelier pour rejoindre cette salle des ventes, c'est un peu une partie de moi qui l'a accompagnée.

Ça a changé quelque chose en moi. Pas de l'arrogance — plutôt la confirmation que des années de recherche, de doutes, d'expérimentations, avaient produit un langage qui parle. Qui résonne.

Un langage né d'un défaut. D'une catastrophe. D'un moment où j'aurais pu tout abandonner.





Mon Processus Créatif en 6 Étapes


Maintenant que vous connaissez l'histoire de ma technique signature, laissez-moi vous décrire concrètement comment je crée une œuvre aujourd'hui, de la première étincelle au dernier coup de brosse :


1. L'Inspiration (le déclic émotionnel)


Ça peut être un visage croisé dans la rue, une photographie vintage, une émotion qui me traverse. Je ne cherche jamais l'inspiration — elle vient me chercher.


2. La Sous-Couche (poser l'atmosphère)


Je prépare ma toile avec une première couche de couleur qui va définir l'ambiance générale. Chaude ou froide ? Lumineuse ou sombre ? C'est la fondation invisible de tout le reste.


3. La Construction Figurative (si je travaille sur un portrait)


Je pose les masses, les volumes, les traits essentiels. À ce stade, c'est encore assez classique. Peinture à l'huile, précision, patience. J'aime cette lenteur de l'huile, ce temps qu'elle impose. On ne peut pas la brusquer.


4. Les Projections (où la magie opère)


C'est le moment que je préfère. Je sélectionne mes brosses — plates, en poils de porc, plutôt rigides — je prépare mes teintes, et je commence à projeter. Chaque gouttelette est un dialogue avec le hasard. Je contrôle la direction, l'intensité, mais jamais totalement le résultat.

C'est dans ce chaos contrôlé que naît l'émotion.


6. Le Détachement (savoir s'arrêter)


Le plus difficile : accepter que c'est fini. Qu'une touche de plus serait une touche de trop.

Depuis quelques années, j'ai développé un rituel : quand je sens que la toile est achevée, je la cache derrière un paravent. Ça m'oblige à m'arrêter. À résister à cette tentation de « perfectionner » qui, en réalité, détruit souvent ce qui fait la force d'une œuvre.

Le paravent est mon allié contre mon pire ennemi : moi-même.

Puis je signe. Et je lâche.



Ce Que J'ai Appris Depuis Que Je Peins


Si je devais résumer mes années de pratique de la peinture en quelques leçons, voici ce que je dirais :


L'erreur est une porte, pas un mur.

Mes meilleures techniques sont nées de « ratages ». Ces gouttelettes que j'utilise aujourd'hui ? Au départ, c'était un accident. Un aléa, mais utilisé à bon escient. Un défaut de toile transformé en signature artistique.


L'authenticité se voit.

Les gens ressentent quand une œuvre est honnête. Quand elle vient des tripes, pas de la tête. C'est pour ça que je ne peins jamais ce qui « devrait » plaire. Je peins ce qui m'habite, ce que je veux montrer.


Le temps est un allié.

Pratiquer, pratiquer et encore pratiquer. Et ne jamais arrêter de recommencer. Depuis que je peins, j'ai appris que la persévérance bat le talent à tous les coups.


Le chaos fait partie du processus.

Les moments de frustration, de « BORDEL » hurlé dans l'atelier, d'effet tunnel où on s'enfonce... ce n'est pas l'ennemi de la création. C'est le chemin. C'est dans ces moments-là, souvent, que les meilleures idées surgissent.



De Clermont-l'Hérault à Claira


Cette technique est née dans mon premier atelier personnel à Clermont-l'Hérault. C'est là que le « crochenouille » a fait son apparition. C'est là que les constellations de l'évier m'ont révélé une voie.

Aujourd'hui, depuis 3 ans, je travaille à Claira. Mon atelier actuel où cette technique, perfectionnée, affinée, maîtrisée, est devenue mon langage. Ma signature.

Chaque portrait que je peins porte en lui cette histoire. Celle d'un défaut transformé en force. Celle d'une catastrophe devenue révélation.



Et Maintenant ? Le SIAC 2026


Aujourd'hui, je me prépare pour une nouvelle étape : mon exposition au SIAC de Marseille en 2026. Un salon international d'art contemporain où je vais présenter une série inédite de portraits.

C'est à la fois vertigineux et profondément logique. Logique parce que c'est l'aboutissement d'un long chemin. Vertigineux parce que chaque nouvelle exposition me remet face à cette question essentielle : qu'est-ce que j'ai à dire que je n'ai pas encore dit ?

Je vous raconterai bientôt les coulisses de cette préparation. Les doutes, les choix, les œuvres qui s'imposeront d'elles-mêmes pour faire partie de cette aventure.



Une Invitation


Si vous êtes arrivé jusqu'ici, c'est que quelque chose a résonné. Peut-être cette histoire de crochenouille. Peut-être juste la curiosité de voir comment travaille une artiste autodidacte qui a transformé une catastrophe en signature.

Je vous invite à explorer mes œuvres sur ma boutique en ligne. Chacune porte en elle une part de ce processus que je viens de vous décrire. Chaque gouttelette raconte l'histoire de ce jour où tout a failli s'effondrer... et où tout a vraiment commencé.

Et si vous avez des questions sur mon travail, sur la peinture à l'huile, sur le processus créatif en général... n'hésitez pas. Les commentaires sont ouverts. J'aime échanger avec ceux qui s'intéressent à l'art, qu'ils soient collectionneurs, artistes en herbe, ou simplement curieux.

Parce qu'au fond, c'est ça aussi, créer : ouvrir une conversation. Une conversation qui se passe au-delà des mots, dans le silence vibrant d'une toile qui vous regarde autant que vous la regardez.


À très bientôt,Flaneel



P.S. : La prochaine fois, je vous dévoilerai les secrets de mes portraits de femmes et ce qui se cache derrière ces visages entre ombre et lumière. Abonnez-vous pour ne rien manquer !



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